«Celui qui se dit apolitique quand on assassine les
camerounais est un complice des criminels au pouvoir »
Ce samedi 12
avril, dans les locaux de l'église évangélique de Wichernsweg No 16 à Hambourg, ce fût une soirée riche en émotions, en poésie, en gospel et en
allocutions. Une cérémonie qui a vu la participation d’allemands, de Nigériens,
de Sierra Léonais, de Togolais, de guinéens qui selon le Dr Bozoura Gandi, de
nationalité Togolaise, sont venus «soutenir les frères du Cameroun contre la
répression sanglante qu’ils subissent de la part de la dictature corrompue de
Paul Biya»,
La soirée a
commencé par une séance d'exposition photos sur la répression politique au
Cameroun, de 1990 à 2008. Les cinq babillards qui constituaient l’exposition,
portaient tous des images montrant les atrocités (morts, blessés,
hospitalisés…) du régime barbare de Paul Biya sur le peuple du Cameroun. On
pouvait voir des images du jeune Taku
Eric (15 ans) -baignant dans une marre de sang - première victime de
l'opération "villes-mortes" en avril 1991, des photos des tueries des
forces armées sur les populations en février 2008, en passant par les images
des assassinats du 06 mai 1991 sur le campus de l'université de Yaoundé, sans
oublier celles d'avril 2005 et de novembre 2006 à l'université de Buéa. Les
visiteurs de cette exposition particulièrement violente, en ont pris plein la
vue, tant le spectacle des atrocités était vraiment effrayant et insupportable
pour beaucoup. Certains visiteurs se sont arrêtés juste au premier babillard
qui montrait des photos de flaques de sang à «Bonamoussadi», après la féroce
répression estudiantine du 06 mai 1991, par les hommes de Amadou Ali. D’autres
invités, ont tout simplement préféré contourner ces images, préférant attendre le début proprement
dit de la soirée d’hommage, qui a commencé à 20h 30’.
C’est à
Monsieur Tene Sop, le Secrétaire Général du Conseil National pour
la Résistance (CNR), qu’est revenu le mot de bienvenu. Dans son allocution,
il a tenu à préciser la signification de cette «veillée culturelle et
politique». La raison de cette cérémonie soutient Tene Sop, est triple. «Premièrement, il s’agit de célébrer le
courage et la générosité de toutes ces victimes innocentes de février, qui ont
donné leurs vies pour que le Cameroun change en bien et entre dans la modernité
politique ; deuxièmement : clôturer la période de deuil et de
recueillement dans laquelle les patriotes camerounais se trouvent depuis les
tueries de février afin que le combat reprenne le dessus, et troisièmement, cette
manifestation vise à sonner l’appel à la mobilisation tous azimuts pour que la
lutte pour le renversement de la néo-monarchie tyrannique naissante au Cameroun
soit intensifiée, car, poursuit-il, nous savons maintenant que, la communauté
internationale c’est du verbiage et nous savons ce qu’il nous reste à faire».
Dr Leumni : «le régime néocolonial Aujoulatiste est né dans la violence, règne par
la violence, mais périra aussi par la violence».
Le deuxième
intervenant de la soirée était le Dr Benjamin Leumni, militant de longue date
de l’Union des Populations du Cameroun. Ce criminologue et politologue est
longuement revenu, dans une langue allemande soignée, et dans une salle très
attentive, sur les différentes étapes de la violence qui ont émaillé l’histoire
du Cameroun depuis le régime de Tutelle française jusqu'à nos jours en passant
par les émeutes de Mai 1955 à Douala, l’assassinat de Um, le génocide des
nationalistes camerounais à l’ouest et dans le Centre. Pour Dr Leumni, la
répression de février 2008 est le prolongement de la violence dont était
porteur le projet colonial et son avatar qu’est l’état néocolonial UC-UNC-RDPC.
C’est pourquoi dira t-il, les morts de février 2008 comme toutes les autres
victimes de l’indépendance sont des martyrs de la longue marche du peuple
camerounais vers la liberté et la démocratie, et l’histoire leur en saura gré.
En conclusion, Monsieur Leumni a soutenu que la violence contre le peuple
camerounais « va bientôt se retourner contre ceux qui l’ont toujours
pratiquée comme mode de gouvernement ».
Un air
de vaudou transporté par une voix venue du Brésil
La principale
surprise et l’un des moments forts de cette soirée d’hommages aux victimes de
février a été l’entrée sur scène de l’artiste Afro-brésilienne Miriam Da Silva qu’accompagnait sa
danseuse Diane. Les deux ont littéralement secoué la salle avec leur rythme
afro-brésilien inspiré du vaudou béninois et une chorégraphie sans faille, déclinant
la souplesse et la félinité du groupe. Moment très apprécié par le public qui
par ses applaudissements nourris, est quelque peu sorti de cet air de gravité
qui planait jusque là sur cette soirée de soutien aux victimes de la répression
politique au Cameroun.
Senfo Tonkam «les
larmes ne servent à rien, ils faut continuer la lutte là où les martyrs l’ont
laissée»
L’ancien leader
étudiant du Cameroun, devenu le chantre de l’afrocentricité après s’être interrogé sur la fatalité qui veut que les
victimes se trouvent toujours du même coté, a ensuite appelé à des « stratégies
opérationnelles pour protéger les peuples africains contre la tyrannie
sanglante de ces Oncle Toms tropicaux qui massacrent nos frères et nos sœurs
pour sauvegarder les intérêt de l’impérialisme occidental. ». Mr Senfo a
ensuite appelé à tirer les conséquences et les leçons des assassinats des héros
africains que sont Lumumba, Um, Ouandié, Moumié, etc. afin de ne pas tomber
dans les mêmes erreurs. Et pour ce leader de la Black Nation en Allemagne, nos
héros ont été tués parce qu’ils n’étaient pas ou pas suffisamment armés. Pour
terminer Senfo Tonkam a appelé chacun à sécher les larmes, et « à se
saisir les armes laissées par nos martyrs pour marcher vers la victoire ».
Mme Sibylle Weingart, la vice-présidente de
l’ONG allemande Kamerun Komitee,
(qui lutte pour la défense des droits humains au Cameroun), a gratifié le
public de trois poèmes du célèbre écrivain allemand Bertolt Brecht :
« l’éloge du révolutionnaire », « Celui qui reste à la maison
quand la lutte commence » et « La Dialectique ». Mme Weingart a
ensuite commenté ces textes en estimant que « chaque peuple est certes
singulier, mais que l’expérience de la résistance des progressistes allemands
contre plusieurs décennies de nazisme Hitlérien pouvait être bénéfique à
d’autres peuples du monde dans la lutte contre la tyrannie et l’oppression dont
ils sont victimes»
Djouken Edouard :
« Celui
qui se dit apolitique quand on assassine les camerounais est un complice des
criminels au pouvoir ».
S’il y en a un
qui a gagné à l’applaudimètre lors de cette veillée politique, c’est bien M.
Edouard Djouken, président d’une petite association Communautaire en Allemagne.
C’est d’ailleurs le seul dirigeant d’une association camerounaise «apolitique»
qui a répondu à l’invitation des organisateurs. Edouard Djouken a profité de la
tribune à lui offerte, pour préciser que son association est «en principe
apolitique », mais a tenu à ajouter qu’il « est totalement absurde de
se déclarer apolitique alors qu’un des régimes les plus sanguinaires au
monde massacre les populations civiles». Djouken s’est ensuite violemment
attaqué "à ces lâches qui se masquent derrière un "apolitisme suspect" pour
refuser de lutter aux cotés du peuple Camerounais pour le changement dans notre pays" avant de donner sa sentence dans un ton de gravité: "Celui qui se dit apolitique quand on assassine les
camerounais est un complice des criminels au pouvoir à Yaoundé".
Tonnerre d’applaudissements dans la salle!
Dr Bozoura Gandi « Nous savons que Paul Biya est malade et qu’il va mourir: que va
t-il se passer s’il meurt ?(...) Les camerounais commettent les mêmes
erreurs que nous les togolais»!
Dr Bouzoura
Ganvié, représentant en Allemagne de la Convention Démocratique des Peuples
Africains (CDPA) du Pr. Léopold Gnininvi, a lui situé son intervention sur le
plan de la comparaison des situations politiques du Togo et du Cameroun, qu’il
trouve « identique tant du point de vue historique qu’actuel ». Les
nouvelles qui nous viennent du Cameroun, dit Dr Ganvié, ne sont pas bonnes, «car
on ne voit rien d’organisé et il y a un risque que la dictature de Biya se
succède à elle-même, comme Eyadema fils a succédé à Eyadema 1er chez nous au
Togo. Il faut que les camerounais s’organisent car Biya peut mourir à tout
moment et si les camerounais ne sont pas organisés pour contrer les plans
obscures, les forces réactionnaires tapis dans l’ombre leur imposerons le fils
de Biya ou quelqu’un d’autres.». Analyse saluée par une longue ovation du
public qui visiblement semblait partager cette lecture de la situation camerounaise faite par un "étranger".
André Desiré Wehiong, le président d’une ONG
panafricaine ABK a quant à lui, exhorté les camerounais à ne pas se laisser faire
devant la monarchisation du pouvoir au Cameroun. « Il faut qu’on se batte
jusqu’à la mort », conclura t-il.
Les autres
intervenants de ce soir ont été entre autres : Aissatou Halidou, Secrétaire générale de l’association des
Nigériens d’allemand, Mr Fodé Touré,
représentant l’association des Sierra léonais a hambourg.
Notons que les
allocutions étaient ponctuées par des chants et des poèmes de divers auteurs en l’honneur
et à la gloire des martyrs.
C’est à 23h,
que cette cérémonie d’hommage a pris fin avec le mot de remerciement Mr Tene
Sop, aux invités. « Mais, nous ne pouvons pas clore cette cérémonie, soutient
– t-il, sans avoir une pensée pour notre compatriote « Joe la Conscience » et toutes les
autres personnes arrêtées dans le cadre du soulèvement de février. Cet artiste,
selon Tene Sop, symbolise avec Jacques
Tiwa, (assassiné le 28 février à Douala), les deux principaux visages de la
répression de février dans notre pays et nous avons décidé de la création d’un Comité
International pour la Libération des Prisonniers Politiques au Cameroun appelé « Freedom for « Joe et
Coe » dont le but est d’obtenir
la mise en liberté de toutes les personnes en détention et la création d’une
Commission d’enquête sur les tueries de février au Cameroun ».
Essama Benoît Joel