Les assassins de la République:la mort de Bisbi N'gota raconté par Anicet Ekanè
Bibi Ngota est mort. Assassiné. Par qui ? Bon
sang, par les mêmes, les Assassins de la République, les salauds !
C’est le 5 février dernier que Bibi Ngota est enlevé
avec d’autres journalistes, Serges Sabouang et Hervé Simon Nko’o. Ils sont
conduits à la Direction générale des renseignements extérieurs (Dgre) dans le quartier
du Lac à Yaoundé. Dès leur arrivée, ils subissent des interrogatoires musclés
et de mauvais traitements. Ngota évoque sa maladie aux enquêteurs pour obtenir
plus de ménagement, sans succès. Bibi Ngota sera sévèrement torturé au point
de se relâcher. Il souffre d’une hernie et d’une hypertension
artérielle aiguë. Son tortionnaire, qui se fait appeler Dakolé, (nous taisons
pour le moment sa véritable identité) l’oblige à nettoyer à mains nues les
matières fécales. Mais effrayée par son état de santé, la Dgre le
relâche plus tôt que Nko’o et Sabouang. Traumatisé par les actes barbares subis
dans les sous-sols de la Dgre, Bibi Ngota se réfugie dans son village, près d’Ebolowa,
pendant quelques temps, avant de rentrer à Yaoundé se faire soigner à l’hôpital
de Biyem Assi.
Fidèles à leurs sales habitudes, les assassins de la
République s’acharnent sur une victime considérablement diminuée. Esso Laurent
dépose, enfin, une plainte en règle, acculé par les dénonciations d’Henriette Ekwè
sur les tortures subies par son confrère Bibi Ngota. En effet, c’est sur son lit
d’hôpital que Bibi Ngota est cueilli par les éléments de la police judiciaire,
vers les cellules infectes de cette institution. Les témoignages
de ses codétenus, des amis qui lui
rendent visite et de sa pauvre maman malade, sont tout simplement pathétiques.
Bibi se meurt dans l’indifférence totale de ses assassins. Et lorsqu’il est placé
en détention « provisoire » à Kondengui, c’est un mort vivant qu’on
achève froidement et qui dit, dans un dernier souffle de détresse, à sa pauvre
maman inconsolable « maman, je sens la mort venir ». La sentence n’est
pas venue du tribunal, elle est venue du « plaignant » :
« A mort ! », et vive la détention « provisoire ». A
quoi servent les tribunaux et la Justice si les assassins ont le droit de vie
et de mort sur les citoyens kamerunais. La famille a pourtant versé plus de
200 000 francs Cfa de rançon, exigés par les autorités médicales de la
prison de Kodengui pour le soigner.
Certaines « âmes
sensibles » fulminent déjà. Anicet Ekanè exagère. Que nenni !
Ceux qui connaissent ces gens-là, ceux qui les ont côtoyés, ceux qui ont eu
affaire à eux, savent bien que je suis en deçà de la réalité du cynisme de ces
assassins. Ce n’est point une fixation sur Laurent Esso, le pays est infesté de
ce genre d’individus. Cette macabre affaire va bien au-delà de la liberté
d’expression et de la protection des journalistes. Elle nous interpelle sur la
mentalité des gens qui dirigent encore ce pays. Pour eux, on n’a jamais quitté le
parti unique et la dictature. Tout ce que le peuple a arraché de haute
lutte comme changements institutionnels, ils s’en moquent royalement.
Les menaces adressées à Henriette au sujet de cette
affaire, sous la pression de Laurent Esso, démontrent à souhait l’étendue de
l’arrogance et du sentiment d’impunité totale dont se targuent ces assassins.
Maintenant que l’affaire a pris une dimension planétaire, ils adoptent un
profil bas. Mêmes les élucubrations du gouvernement par la voix du nouveau chouchou
de Paul Biya, élucubrations qui ont mis ce dernier très mal face à la presse
pour justifier l’assassinat, ne pourront pas dédouaner les bourreaux de Bibi
Ngota.
Quelque soit l’angle sous lequel on aborde un sujet
aussi gravissime, la responsabilité du chef de l’Etat est engagée. Il ne peut
pas se contenter d’observer, de loin, les conséquences d’un acte irréfléchi et
lâche qui ternit l’image du pays, au point de recevoir des coups de semonce du
Quai d’Orsay, le Ministère français des relations extérieures, du département
d’Etat américain et d’une multitude d’organisations de défense des droits de
l’Homme. Il ne peut plus se contenter de commissions d’enquêtes maison, diligentées
par les assassins eux-mêmes ou leurs complices. Vendredi dernier, pendant que
le ministre de la Communication s’évertuait laborieusement à justifier
l’injustifiable, la dépouille de Bibi Ngota était subrepticement extraite de la
morgue sur ordre de Laurent Esso (encore lui) pour une autopsie douteuse. Cette
dernière pourrait se conclure par une vaseuse thèse de l’empoisonnement ou d’un
hypothétique décès par le Vih/sida. Les salauds ! Ou bien le Chef de l’Etat se
démarque franchement de ces pratiques d’un autre âge, où il donne le sentiment
d’être un prisonnier consentant d’une bande d’assassins sans scrupules. Dis-moi
qui tu fréquentes, je te dirai qui tu es. Le Chef de l’Etat peut sévir, il doit
sévir. Il est bien des choses qui paraissent impossibles tant qu’on ne les a
pas tentées.
En tout cas, le sang Bibi Ngota et de tous les autres
innocentes victimes, empoisonnera la vie de tous les attardés assassins de
République.
Décidément, il faut s’attendre à payer cher le prix
pour la liberté et les droits de l’Homme au Kamerun. Les assassins de la
République nous le rappellent tout le temps.
Anicet EKANE, Patriote engagé
Militant du MANIDEM
Tél : (237) 94 08 50 40
E-mail : ekanicet@yahoo.fr