La répression continue contre les journalistes camerounais
Yaoundé : La police réprime une manifestation pacifique des journalistes
Écrit par Le Jour | Yaoundé Mardi, 04 Mai 2010 11:33
Près de 200 professionnels des médias se sont réunis hier, Journée mondiale de la liberté de la presse, pour attirer l’attention sur les problèmes de leur corporation.
Environ 200 journalistes camerounais se sont réunis hier à
Yaoundé pour prendre part au sit-in pacifique initié par l’Union des
journalistes du Cameroun (Ujc). Prévue pour se tenir à l’esplanade des
services du Premier ministre, la manifestation, réprimée violemment par
la police, s’est finalement déroulée sur un terrain vague en face de
l’hôtel Hilton. Elle fait suite au décès, en prison, le 22 avril
dernier, de Germain Cyrille Ngota Ngota, alias Bibi Ngota, directeur de
la publication de « Cameroun Express », et avait pour objectif
d’attirer l’attention du gouvernement sur les problèmes de la
corporation, en cette Journée mondiale de la liberté de la presse,
édition du 3 mai 2010.
De source policière, dès 5h, les forces
de l’ordre (police et gendarmerie) ont pris d’assaut les alentours des
services du Premier ministre, pour prévenir la manifestation. A 9h, des
regroupements de policiers étaient visibles aux entrées principale et
secondaire et à l’esplanade du bâtiment, et même aux alentours de
l’immeuble ministériel N°2 et de l’hôtel Hilton. Des journalistes,
habillés de noir pour certains, commencent à arriver sur les lieux.
Devant l’impressionnant déploiement des forces de l’ordre, ils
convergent vers le terrain vague en face de l’hôtel Hilton qui,
territorialement, dépend de l’arrondissement de Yaoundé 3ème. Bras
croisés sur la poitrine, ils attendent l’heure H. Même l’arrivée de
Gilbert Tsimi Evouna, le délégué du gouvernement auprès de la
Communauté urbaine de Yaoundé, venu visiter le terrain pour un futur
chantier, ne les détourne pas de leur préoccupation.
Manifestation interdite
A
10h, une centaine de journalistes est déjà présente sur les lieux. Le
nombre de policiers aussi a augmenté. Ils forment d’ailleurs un cordon
de sécurité pour empêcher les manifestants de rejoindre l’esplanade du
bâtiment abritant les services du Premier ministre qui,
territorialement, dépend de la sous-préfecture de Yaoundé 3ème, où la
manifestation a été déclarée le 29 avril 2010. Déclarée et interdite,
soutiennent les policiers. D’après Christophe Bobiokono, le secrétaire
général de l’Ujc, « jusqu’à ce matin (3 mai 2010, ndlr), on ne savait
pas que la manifestation a été interdite, c’est la police qui nous en a
informé ». Datée aussi du 29 avril, la lettre d’interdiction de la
manifestation avance, entre autres, que « les délais légaux de
déclaration de manifestations publiques n’ont pas été respectés».
« Nous sommes tous des Biby Ngota »
Pendant
ce temps, dans un coin, Aimé Edouard Alama, le directeur de la
publication du journal L’Avocat et président du comité d’organisation
des obsèques de Bibi Ngota, distribue gratuitement, aux manifestants
qui veulent bien l’arborer, une centaine de tee-shirt floqués de la
photo du défunt. Sur les pancartes, les messages parlent d’eux-mêmes :
« Non à la clochardisation des médias » ; « Nous sommes tous des Biby
Ngota » ; « Vigilance M. le Président » ; « Que la lumière soit faite
sur le décès de Biby Ngota » ; « Le recoupement d’une information n’est
pas un délit de droit commun ».... Sur le site, les caméras tournent,
les flashes des appareils photo crépitent. A la fois sujets et objets,
certains journalistes prennent des notes, en même temps qu’ils
manifestent. Des directeurs de la publication sont là : Haman Mana du
Jour, Sévérin Tchounkeu de La Nouvelle expression, Alain Blaise
Batongue de Mutations…
Violences policières
A
10h30, les manifestants se mettent en rang et essaient de forcer le
cordon de sécurité pour regagner l’esplanade de l’immeuble abritant les
services du Pm, comme prévu. Face aux forces de l’ordre décidées à ne
pas les laisser passer, le clash se produit. Bousculades, bastonnades
et coups de matraque de policiers. Polycarpe Essomba, journaliste à
Equinoxe Tv et correspondant à Douala de Rfi, Jean-Baptiste Ketchateng,
journaliste à Mutations, Dominique Mbassi, journaliste à Repères,
Innocent Blaise Ngoumngang et Ateba Biwolé, journalistes au Jour, sont
violemment molestés. Dans la mêlée, Polycarpe Essomba perd sa veste
contenant son passeport. A quelques mètres de la scène, les
sous-préfets de Yaoundé I et III s’entretiennent. Dix minutes plus
tard, le calme est revenu dans le rang des manifestants qui, après
avoir chanté l’hymne national, s’asseyent à même le sol. Xavier Messe,
le rédacteur en chef de Mutations, lui, se couche carrément. Debout au
milieu des manifestants, Charly Ndi Chia, le président de l’Ujc, puis
Thierry Gervais Ngango, lisent le mémorandum de l’Union adressé au chef
du gouvernement et portant sur les problèmes de la presse au Cameroun.
A 11h, les journalistes décident de lever l’encre. La
manifestation se termine par un pot de confraternité partagé dans un
débit de boissons à Tsinga, en face du domicile de Issa Tchiroma
Bakary, le ministre de la Communication.
Stéphanie Dongmo
Réactions
Charly Ndi Chia, président de l’Ujc : « C’est stupide d’interdire cette manifestation »
Ce
qui s’est passé avec la police c’est comme battre un enfant et lui
refuser le droit de pleurer. C’est ce qu’a fait le régime. Nous
protestons contre le décès en prison d’un confrère et voulons attirer
l’attention sur la situation de la presse. Nous avons indiqué aux
autorités qu’on voulait faire un sit-in pacifique, mais la police est
arrivée. Je pense qu’interdire cette manifestation, c’est stupide. Je
crains que les choses dégénèrent et qu’on interpelle d’autres
journalistes.
Martin Locko Motassi, sous-préfet de Yaoundé III : « C’est une manifestation à caractère vindicatif »
Cette
manifestation a été interdite parce que les organisateurs n’ont pas
respecté les délais légaux de déclaration (voir encadré, ndlr). Sur un
autre plan, les manifestations à caractère vindicatif ont été
suspendues dans le département du Mfoundi, et donc, dans
l’arrondissement de Yaoundé III.
Médias : Un documentaire sur l’histoire de la Presse au Cameroun
Les
activités de la Journée mondiale de la liberté de la Presse se sont
achevées hier. A l’hôtel Franco de Yaoundé, Issa Tchiroma Bakary a clos
les festivités par le visionnage du documentaire consacré à l’essor de
la liberté de la Presse au Cameroun. Long de 56 minutes, le document a
fait intervenir divers grands noms de la presse camerounaise, à
l’instar d’Abodel Karimou, l’un des pionniers de la profession. Produit
et supervisé par le ministère de la Communication, le documentaire a
été réalisé sous la coordination de la Cameroon radio and television
(Crtv). En français et en anglais, il sera diffusé sur les chaînes de
télévision locales. Prenant la parole au terme de la soirée, le
ministre de la Communication, dans sa déclaration, s’est dit satisfait
du déroulement de la semaine nationale consacrée à la liberté de la
Presse
Muriel Edjo
Issa tchiroma bakary : « Il est temps de passer à autre chose »
Le ministre de la Communication annonce pour bientôt les états généraux de la presse au Cameroun.
La
journée mondiale de la liberté de la Presse est marquée cette année au
Cameroun par le décès en prison d’un journaliste. Une situation dont la
presse entière s’est saisie. Par la voix des hommes des médias, l’on a
pu voir que la presse peut construire comme elle peut détruire. Je le
dis avec beaucoup de tristesse, la presse a instrumentalisé cette
affaire et nous avons vu les proportions que cela a prises. Nous
déplorons le décès de ce journaliste, mais je crois qu’il est temps de
passer à autre chose. Certains ont qualifié cette histoire de tempête
dans un verre d’eau, je ne le dirai pas ainsi puisqu’à travers la voix
des journalistes, les pays qui n’avaient jamais entendu parler du
Cameroun l’on découvert. Plusieurs institutions diplomatiques se sont
exprimées sur ce sujet et le chef de l’Etat, son excellence Paul Biya,
a ordonné l’ouverture d’une enquête.
Qu’on laisse dont cette
enquête être menée à son terme. La paix et la stabilité sociale sont
des acquis que plusieurs pays n’ont pas et envient au Cameroun. La
presse doit travailler dans le sens de la préservation de ces acquis.
Ceci passe par le respect des règles qui régissent la profession. Cette
année, les activités de la liberté de la presse au Cameroun se sont
tenues pendant toute une semaine. Pourquoi pas sur un mois l’année
prochaine ? Il est temps de nous préoccuper de cette profession que
nous aimons tant et que certains qualifient comme le plus beau métier
du monde. J’annonce pour bientôt les états généraux de la presse, comme
cela a été fait par le ministre Kontchou Kouomegne lors des années
délicates où il a occupé les fonctions de ministre de la Communication.
Je compte beaucoup sur son aide, tout comme sur celle d’Ebénezer Njoh
Mouelle, pour que les hommes des médias retrouvent la place qui leur
est dû. Depuis que je suis à ce poste, je travaille beaucoup dans ce
sens. Je l’ai toujours dis, je suis l’ami des journalistes et je
continu de le dire.
J’appelle donc les journalistes à m’aider
à faire de ce métier que nous aimons tous, le métier noble qu’il a
toujours été. Messieurs les membres du corps diplomatiques, messieurs
les journalistes, la liberté de la presse est un fait au Cameroun.
L’accès à l’information n’est plus seulement possible pour les médias
publics, les médias privés sont désormais invités au Palais de l’Unité,
à l’aéroport, pour recevoir les chefs d’Etats en visite au Cameroun,
etc. Nous devons tous travailler dans la consolidation de cette
liberté. Les journalistes doivent œuvrer pour que le journalisme soit
remis sur son piédestal de grandeur et d’honorabilité ».
Propos recueillis
par Muriel Edjo
Que prévoit la réglementation ?
Extrait de la loi N° 90/055 du 19 décembre 1990 portant régime des réunions et manifestations publiques.
Art. 6 -(1) :
Sont soumis à l’obligation de déclaration préalable tous les cortèges,
défilés, marches et rassemblements de personnes et, d’une manière
générale, toutes les manifestations sur la voie publique.
Article 7 -(1)
: La déclaration prévue à l’article 6 ci-dessus est faite au district
ou à la sous-préfecture où la manifestation doit avoir lieu, sept jours
francs au moins avant la date de ladite manifestation.
Médias : 100 journalistes manifestent devant les services du gouverneur
Les hommes de médias qui répondaient au mot d’ordre de l’Ujc ont été reçus par le préfet du Wouri.
Près
de 100 journalistes et cameramen ont observé un sit-in devant les
services du gouverneur de la région du littoral à Bonanjo, hier lundi
03 mai 2010. Les hommes des médias, tous de noirs vêtus, en signe de
deuil, ont assiégé l’entrée du bâtiment autour de 10h30. Alex Gustave
Azebaze, Pauline Poinsier, Denis Nkwebo, Honoré Foimoukom, Antoine de
Padoue Tchonang, les leaders de la manifestation, ont remis au préfet
du Wouri, Bernard Okalia Bilaï, une copie du mémorandum rédigé par
l’Union des journalistes du Cameroun (Ujc). Pendant ce temps, les
journalistes massés à l’extérieur n’ont cessé de fulminer sur les
circonstances de la mort du journaliste Bibi Ngota. « Notre confrère
n’avait pas le droit de mourir dans l’exercice de sa profession. Ce qui
lui est arrivé est le signe que nous ne sommes pas en sécurité», a
affirmé Lazare Kolyang, journaliste au quotidien Mutations.
Les
hommes des médias basés à Douala ont ainsi répondu à l’appel l’Ujc et
des syndicats de journalistes, qui ont décidé de commémorer ainsi la
Journée mondiale de la liberté de la presse, et de rendre un hommage à
Bibi Ngota, directeur de publication du journal « Cameroun Express »,
décédé le 22 avril 2010. Le mouvement d’hier visait à revendiquer «la
dépénalisation des délits de presse et interpeller les autorités sur
les exactions commises contre les journalistes et assimilés », a
expliqué Alex Gustave Azebaze, membre du conseil exécutif de l’Ujc. La
manifestation était également l’occasion pour les journalistes de la
ville de Douala de « partager la douleur de la famille de Bibi Ngota,
décédé à la prison centrale de Yaoundé dans des circonstances
troublantes », a indiqué Honoré Foimoukom du quotidien Le
messager.
Après une heure de sit-in devant les
services du gouverneur de la région du Littoral, les manifestants se
sont dirigés à l’esplanade de la délégation régionale de la
communication. En rang, les points fermés et tendus vers le ciel, ils
ont entonné l’hymne national du Cameroun avant de conclure avec un «
plus jamais ça». A l’unanimité, ils ont décidé de boycotter la
cérémonie officielle organisée par le délégué régional de la
Communication du Littoral, Michel Ebongue Esso.
Christelle Kouétcha
Douala : Joe la conscience entendu à la gendarmerie de Mboppi
Les cameramen Gerôme Demenou de canal 2 et Nono Fotchue de Dbs ont été interpellés.
Kameni
de Vinci, alias Joe la conscience, a été cueilli par les gendarmes à
l’entrée du pont du Camp Yabassi, alors qu’il manifestait pour que «
justice soit faite sur la mort de Bibi Ngota, le directeur de la
publication du journal « Cameroun Express », décédé le 22 avril dernier
», a-t-il indiqué, hier lundi 03 mai.
Celui que l’on surnomme
« le combattant » a été surpris par deux camions de gendarmes armés,
autour de 10h. Assis dans un cercueil, Joe la Conscience était
transporté dans un porte-tout couramment appelé « pousse pousse ». Il a
suffi d’une raclée pour qu’il soit embarqué dans un des camions. Le
propriétaire du « pousse pousse » aussi a été interpellé. Le nommé
Mbunto, qui accompagnait Joe la conscience, a réussi à prendre la
fuite. Bien avant, Nono Fotchue et Gérôme Demenou, cameramen
respectivement en service dans les chaînes de télévision Dan
broadcasting system (Dbs) et Canal 2 international, ont également été
interpellés par des gendarmes de la brigade de gendarmerie de Mboppi à
Douala. Ils ont été arrêtés à l’entrée de ladite brigade, alors qu’ils
filmaient la manifestation organisée par Joe la conscience. Les
cameramen interpellés ont été entendus pendant près de 2h par le
commandant de la brigade de gendarmerie de Mboppi. «Il nous a
simplement demandé si nous avions des relations avec Joe la conscience.
Sans plus », a indiqué Nono Fotchué, qui a été libéré aux environ de
12h. Cependant, les cassettes des images ont été saisies.
La
manifestation interrompue par les gendarmes s’annonçaient plutôt «
héroïque », selon Joe la Conscience. Il avait prévu de faire le tour de
plusieurs organes de presse dans un cercueil portant des messages de
revendications : « Justice pour Bibi Ngota assassiné pour avoir voulu
faire que son travail » ; « un tour au cimetière, tel est le sort que
l’Etat du Cameroun réserve aux journalistes un peu trop curieux » ; «
Il n’y a pas de démocratie sans liberté de la presse » ; « Ici repose
la liberté de la presse au Cameroun ». Autour de 15h hier, Joe la
conscience a été entendu pendant 45 minutes avant d’être libéré.
Christelle Kouétcha
Mémorandum de l’Ujc au gouvernement sur les problèmes de la presse
Préambule
Dans
son adresse à la Nation le 31 décembre 2008, le président de la
République Paul Biya relevait fort à propos : « Il existe en effet dans
notre pays des partis politiques, des syndicats, des associations dont
le rôle est précisément, en tant que corps intermédiaires, de
transmettre au gouvernement les doléances de leurs mandants. Je peux
vous assurer que ceux-ci trouveront toujours auprès de moi une oreille
attentive, si leurs revendications sont fondées et s’ils sont animés
d’un véritable esprit de négociation ».
Fort de cet appel, le
Conseil exécutif de l’Union des Journalistes du Cameroun (UJC), organe
d’exécution de l’association des journalistes, qui se veut
l’organisation faîtière de toute la presse camerounaise a décidé de
réagir, au nom de toute la profession, afin d’appeler l’attention du
gouvernement sur ce qui devrait être fait pour que la presse
camerounaise puisse contribuer efficacement au développement du
Cameroun et au processus de démocratisation de notre pays.
Après
examen approfondi de la situation de la presse camerounaise au cours de
chacune de ses réunions, examen qui lui a souvent permis de faire une
déclaration circonstancielle sur cette situation au gré des événements
qui surviennent, le Conseil exécutif de l’Union des Journalistes du
Cameroun (UJC) a décidé d’adresser au Gouvernement de la République,
pour la troisième fois depuis février 1998, un mémorandum sur
l’ensemble des problèmes de la presse camerounaise avec des
propositions pouvant aider à améliorer ladite situation.
Sur le plan juridique
La législation actuelle présente de graves insuffisances et plusieurs aspects déjà dépassés méritent d’être révisés.
En
effet, bien que l’audiovisuel ait été libéralisé à travers le décret
n°2000/158 du 03 avril 2000, le flou persiste dans la délivrance des
licences à travers l’instauration d’une pratique dite de « tolérance
administrative ».
Le Cameroun figure encore parmi les rares pays
au monde où le journaliste, dans l’exercice de son métier, peut être
emprisonné plus facilement qu’un criminel de droit commun, où une
chaîne de radio ou de télévision peut être fermée aussi facilement
qu’une échoppe.
Nous demandons par conséquent au Gouvernement :
?
la révision de la loi n°90/052 du 19 décembre 1990 portant sur la
liberté de communication sociale avec entre autres, une définition
claire du statut du journaliste, une énumération et une définition
exhaustives des délits de presse ;
? la suppression des peines
privatives de liberté à l’encontre des journalistes pris en défaut dans
l’exercice de leur profession au profit des peines civiles ;
?
l’application rigoureuse des dispositions de la loi n°90/052 du 19
décembre 1990 qui garantissent aussi bien l’inviolabilité des
rédactions que l’accès aux sources d’information ;
- la codification de la cyberpresse ;
- la codification du statut du journaliste étranger et du statut de l’entreprise de presse étrangère au Cameroun ;
-
la création et la promotion de la fonction de Porte-parole à la
présidence de la République et dans les Services du Premier Ministre.
Sur le plan économique
L’entreprise
de presse n’est pas une entreprise comme les autres, eu égard à ses
missions sociales d’éducation et de formation. Sa mission ne consiste
pas à privilégier les acteurs des différents pouvoirs (politiques,
économiques, socioculturels, etc.) qui passent, mais plutôt la Nation
camerounaise appelée à demeurer.
Dans les sociétés modernes,
l’information est un droit du citoyen et l’exercice de ce droit, dont
la presse est l’un des garants, est un critère d’évaluation de
l’avancée démocratique. Ce rôle spécifique requiert que l’entreprise
de presse puisse recevoir des aides directes et indirectes de l’Etat.
Ce soutien aura pour effet de réduire la fragilité économique de
l’entreprise de presse camerounaise aujourd’hui en proie à toutes
sortes d’errements, de dérapages et d’abus, source de beaucoup de tort
à la presse camerounaise et à la Nation toute entière.
Nous demandons :
Pour ce qui est de l’aide indirecte :
- la mise en place d’un régime fiscal spécial pour l’entreprise de presse au Cameroun:
-
l’application effective de la loi sur la publicité dans le sens d’une
répartition plus rationnelle et plus équitable des budgets
publicitaires entre les entreprises nationales d’une part et entre les
entreprises nationales et étrangères d’autre part.
Pour ce qui est de l’aide directe :
-
l’augmentation substantielle de l’enveloppe de l’aide à la presse, et
surtout la définition claire par une commission paritaire, des critères
d’éligibilité des entreprises de presse à cette subvention. L’actuelle
commission du ministère de la Communication ayant montré ses limites ;
- la mise en place à terme d’un fonds de développement de la presse.
Sur le plan professionnel
L’absence
d’un véritable statut du journaliste est en grande partie responsable
de l’essentiel des problèmes de la presse camerounaise aujourd’hui. Il
n’est, en effet, pas possible de savoir à ce jour avec certitude qui
est journaliste et qui ne l’est pas. Qui, au Cameroun, peut prétendre à
bon droit faire partie de cette noble profession ?
La définition de
critères rigoureux de ceux qui peuvent se prévaloir de la qualité de
journaliste résoudrait l’essentiel des problèmes liés à l’exercice de
la profession de journaliste Cameroun.
Nous proposons :
- la
réorganisation de la commission de la carte de presse et tous les
organes qui gèrent les problèmes de la presse, à l’instar du Conseil
National de la Communication qui devrait devenir une haute autorité,
-
l’application effective de la Convention collective nationale des
journalistes et des professionnels des métiers connexes de la
Communication sociale au Cameroun.
De telles institutions seraient
chargées, entre autres, de l’attribution de la carte de presse et de
l’identification des entreprises de presse.
Le Conseil Exécutif de
l’Union des Journalistes du Cameroun est certain que si les différents
points présentés dans le présent mémorandum venaient à être conduits
avec succès, il est indéniable qu’il en résulterait un salutaire
assainissement des milieux de la presse camerounaise. Lesdites réformes
permettront d’abolir les clivages inutilement entretenus, entre presse
publique et presse privée, et favoriseraient l’émergence d’une presse
de qualité utile à l’accompagnement de la modernisation de l’Etat du
Cameroun.
Convaincus que l’Etat dispose de leviers susceptibles de
répondre au mieux aux pressantes demandes de la profession de
journaliste, nous sollicitons instamment une rencontre avec le
Gouvernement.
Le Président de l’UJC
Charly NDI CHIA
Ernst Iwiy’a Kala Lobé : Le pionnier du journalisme engagé en Afrique
A l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, l’Unesco a choisi d’honorer l’œuvre du journaliste camerounais.
Paulin
Joachim, le poète et journaliste béninois, a su trouver les vers
appropriés pour décrire Ernst Iwiy’a Yèsco Kala Lobé, qu’il considérait
comme le « Dernier roi d’Afrique ». « Il était un mythe vivant, notre
icône morale /Il était le verbe éveillé /Celui qui n’a jamais cru/A
l’insomnie des légendes/Qui a rêvé d’une histoire inversée pour ses
petits enfants, bien calé/ », écrit-il dans le recueil de poèmes
intitulé Eclairs d’ébène et de diamant paru en 2002.
Hier, 03
mai 2010 au Palais des Congrès de Yaoundé, l’Organisation des Nations
unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) a rendu
hommage à l’œuvre de cet orfèvre de l’écriture. Pour démontrer le
militantisme d’Ika, comme l’appelaient ses proches, le Pr Ebénézer Njoh
Mouelle évoque un de ses articles intitulé Violation de l’ « identité
culinaire » négro-africaine. Un article dans lequel Ika s’en prend à
l’esprit colonial qui cherche à manipuler la cuisine africaine, comme
par exemple l’interdiction du vin traditionnel. « Fin gourmet qu’il a
été, Ika a été un nationaliste et militant de la sauvegarde de
l’authenticité africaine », affirme le philosophe camerounais.
Le
Pr Laurent Charles Boyomo Assala, le directeur de l’Ecole supérieure
des sciences et techniques de l’information et de la communication
(Esstic), voit en Ika un double personnage. « La vie de Ika,
journaliste et intellectuel, apparaît comme la synthèse entre
l’événement (journaliste) et la culture (l’intellectuel). Le premier
(l’événement) passant du statut d’un non-savoir destiné à combler une
attente qu’il peut difficilement combler à celui de point de départ
vers la seconde (la culture) », expose-t-il avant de conclure : « Ika
c’est le pont entre les gouvernants et les gouvernés dans ce droit de
savoir qui réorganise le lien politique en faisant passer les sociétés
de la culture du secret à la culture de la transparence ». L’écrivain
congolais Henry Lopès dit de lui qu’il était considéré à Présence
africaine comme un inspirateur. « Il avait un langage plus franc, plus
ouvert, plus direct que les autres. Alioune Diop était extrêmement fin
et veillait à ne pas blesser les autres. Kala Lobé, lui, ne mettait pas
les gangs pour dire les choses, mais qui évitait de vexer (…)», confie
l’ambassadeur du Congo en France dans un documentaire consacré aux
journalistes.
Né le 15 novembre 1917 à Douala, Ernst Iwiy’a
Kala Lobé effectue sa scolarité entre Douala et Dakar. Il arrive en
France en 1946 lors de la période Quartier latin et travaille avec le
fondateur de Présence africaine, Alioune Diop. Il obtient son diplôme
de journaliste à Paris en 1948 après avoir refusé de devenir médecin,
alors qu’il avait bien été formé pour ce métier. De retour au Cameroun
en 1952, il fonde « Le Petit Camerounais » et collabore à l’« Eveil du
Cameroun », de 1953 à 1960. Ses chroniques en pidgin et ses articles
font de lui un journaliste engagé à la libération de l’Afrique et à la
protection de l’identité africaine. Secrétaire d’Alexandre, le fils de
Rudolph Douala Manga Bell, Ika écrit en 1981 un livre intitulé «
Rudolph Duala Manga Bell ». Ernst Iwiy’a Kala Lobé est décédé le 07
octobre 1991 à Colombes, en Île de France. L’écrivain Olympe Bhêly
Quenum invite le ministère de la Culture du Cameroun à mettre sur pied
une commission pour « voir ce qu’on peut tirer de l’œuvre d’Ika ».
Beaugas-Orain Djoyum
Le message de l’Union de la presse francophone (Upf)
L’Union
internationale de la presse francophone (UPF) saisit l’occasion de la
célébration de la 19ème édition de la Journée internationale de la
liberté de la presse pour inviter les consœurs et les confrères à avoir
une pensée pour les professionnels(les) de l’information qui nous ont
devancé dans l’au-delà, depuis janvier 2010. Entre autres :
Toufik Boughedir (Tunisie), le 2 janvier 2010 ;
Bobbie Tsankov (Bulgarie), le 5 janvier 2010 ;
Andis Hadjicostis (Chypre), le 11janvier 2010 ;
Paulin Criwa Zéli (Côte d’Ivoire), le 2 février 2010 ;
Mamadouba Sylla (Guinée), le 10 février 2010 ;
Patient Chebeya Bankome dit Montigomo (RDC), le 5 avril 2010 ;
Martial Ouédraogo (Burkina Faso), le samedi 10 avril 2010 ;
Aboubacar Lansana Camara (Guinée), le 16 avril 2010;
Lamba Mansaré (Guinée), le 16 avril 2010 ;
Germain Ngota Ngota (Cameroun), le 22 avril 2010 ;
Baya Gacemi (Algérie), le 25 avril 2010.
Liste
non exhaustive des disparus. Certains sont morts de maladie. D’autres
ont été abattus, à bout portant, pour avoir revendiqué le droit du
public à l’information. Les tueurs ont disparu dans la nature.
A
Yaoundé, au Cameroun, un directeur de publication est mort, en prison.
Aucune condamnation de non assistance à un détenu qui présentait,
pourtant, des signes évidents de mauvaise santé, ne doit passer sous
silence. Ce laxisme coupable ne doit rester impuni. Germain Ngota
Ngota, 38 ans, patron de l’hebdomadaire Cameroun Express, aurait pu
être sauvé. Sa mort, le 22 avril 2010, dans les conditions décriées par
le monde entier, ne doit laisser personne, sans réaction. Elle doit
être accompagnée d’une enquête digne, et de décisions courageuses du
gouvernement camerounais.
C’est pourquoi l’UPF demande au
Président de la République de saisir cette occasion malheureuse pour
faire achever le débat sur la dépénalisation des délits de presse, ou
suppression de la peine privative de liberté, en choisissant l’option
des peines pécuniaires raisonnables, en lieu et place de
l’emprisonnement pour délits de presse. Les 41èmes Assises de l’UPF, en
novembre 2009, à Yaoundé, ont été, de ce point de vue, riches en
enseignements et arguments convaincants, en faveur de la suppression de
la peine privative de liberté, en faveur des sanctions économiques non
suicidaires et de la mise en place d’une véritable instance
d’auto-régulation.
C’est pourquoi l’UPF a foi que la disparition
de ces femmes et hommes des médias sera une source de motivation
profonde à continuer la lutte pour la suppression de la peine privative
de liberté, pour la levée des interdictions de vendre, de paraître et
d’émettre, qui frappent certains médias.
A Rabat, au Maroc, où
l’UPF donne rendez-vous à plus de 200 journalistes francophones, du 31
mai au 5 juin 2010, l’occasion sera belle de renforcer le plaidoyer
pour le droit du public à l’information, pour la liberté d’expression
et de la presse. Préparons-nous donc à participer, nombreux, à ce
double rendez-vous : 60ème anniversaire et 42ème assises de l’UPF, dans
la capitale marocaine.
Bonne journée du 3 mai 2010.