Armand Brice Tchikamen, un producteur engagé installé en Côte d'ivoire
Il raconte sa rencontre avec l’univers de la com’ et jette un regard sur la production audiovisuelle au Cameroun et en Afrique
Ce qui frappe le plus lorsqu’on lance votre nom dans un moteur de recherche, c’est votre filmographie. Elle est dense et diversifiée, comment réussissez-vous à vous organiser?
Les productions étant
le plus souvent espacées, je m’organise à mettre en route un projet
avant l’autre. Ayant toujours une équipe à ma disposition en fonction
de la production, une fois qu’un projet a démarré, je peux à ce moment
commencer la mise en route du projet suivant avec tout ce que cela
comporte comme travail de pré-production. Je suis souvent aidé par un
assistant. Mais, des cas de chevauchement pareil sont rares. En
général, je finis un projet avant de commencer un autre.
On sait que vous avez grandi au Cameroun et vivez en Côte-D’ivoire. Parlez nous de vous? Qui est Armand Brice Tchikamen?
Je suis né et j’ai grandi au Cameroun, j’ai 4 frères et une sœur. J’ai
fait une grande partie de mes études au Cameroun. Je les ai complété à
Abidjan en Côte d’Ivoire, à l’Institut des Sciences et Techniques de la
Communication (ISTC), l’école qui a formé et qui forme les journalistes
et techniciens de la RTI. C’est un peu l’équivalent de l’ESSTIC au
Cameroun. Là-bas, je me suis formé en Production et réalisation
audiovisuelle. Après mes études, j’ai d’abord travaillé comme
journaliste culturel pour les quotidiens Le Temps, Le Courrier d’Abidjan pendant plus de trois années avant d’arrêter et de me consacrer entièrement à la production audiovisuelle.
Qu’est-ce qui vous a poussé vers des études en communication?
J’ai toujours été dans la communication parce que déjà au lycée ou au
collège, c’est toujours moi qui jouais les reporters lorsque l’équipe
de ma classe jouait. Je faisais des dessins à afficher lors des
championnats de vacances dans mon quartier. Quand je suis arrivé par
des circonstances un peu bizarres au lycée de Bangangté, j’ai rencontré
des amis qui sont aujourd’hui mes frères et ensemble nous avons, chacun
avec ses potentialités, jeté les bases de ce que nous sommes devenus
aujourd’hui. Il s’agit du journaliste reporter Patrick FANDIO qui est
passé sur France 2 et TF1 avant de s’installer aujourd’hui en Afrique
du Sud ; le journaliste Théophile KOUAMOUO qui a travaillé pour le
journal Le Monde et a été Rédacteur en Chef de plusieurs quotidiens à Abidjan et est aujourd’hui correspondant pour Jeune Afrique.
Il est l’un des meilleurs bloggeurs africains avec son site
"IvoireBlog". Et enfin le journaliste Hervé KOUAMOUO chroniqueur de la
CAN 2010 en Angola sur la chaîne France 24 et qui travaille aujourd’hui pour le site footafrica365. A l’époque, nous animions l’hebdomadaire mural du Club Unesco de notre lycée.
© Journalducameroun.com
Armand Brice Tchikamen
Racontez nous votre aventure ivoirienne
Quand je suis arrivé en Côte d’Ivoire ma seconde patrie, j’ai rencontré
des gens qui m’ont tendu la main, même si ça n’a pas toujours été
facile, et ils m’ont permis de réaliser ce que j’ai pu faire
jusqu’aujourd’hui. Je pense d’abord au doyen Alexis DON ZIGRE, le
réalisateur du film Sida dans la cité 3
qui ne me connaissait pas. Il a très vite décelé en moi mes potentiels
de réalisateur. Il y’a Jean Hubert NANKAM, le producteur de la série Class’A
qui m’a permis de créer et de donner un nouveau visage aux séries
africaines. J’ai aussi profité de ma rencontre avec le Réalisateur
camerounais Skwall de Fokal Production, avec qui j’ai collaboré
en tant qu’assistant réalisateur sur plusieurs publicités. Je pense
aussi à tous ces autres producteurs, agences de communication et
organismes internationaux qui m’ont fait confiance et m’ont permis de
réaliser tous ces spots TV, émissions TV, documentaires et autres…
Racontez nous votre première rencontre avec l’univers de la
production. Etait-ce la matérialisation d’un rêve d’enfance, ou un
concours de circonstances favorables
Ma rencontre avec l’univers de la production a été beaucoup plus la
matérialisation d’un rêve d’enfance. Tout petit, mes frères et moi
avons été initiés à la lecture des bandes dessinées par mon père qui
lui, était un mordu des BD. Jusqu'à sa mort, il en avait encore à son
chevet. Donc j’ai grandi dans un univers de rêves et d’imagination
permanente grâce à mes lectures. Au secondaire, j’ai été formé à la
culture des films chinois et hindous et c’est à partir de ce moment que
je commence à me poser la question de savoir comment on fait un film.
Je me rappelle toujours qu’un jour en pleine séance de film hindou
lorsque le générique de début défilait, je me suis dit: un jour mon nom apparaîtra aussi au générique d’un film. C’est lorsque je rencontre Ousmane Stéphane Kamdhem réalisateur de la série camerounaise Africa Paradise diffusée sur 3Atélésud, Sergeo Marcello et Dody Yaye qui à l’époque s’appelait Dody Mc Kameroun, que les choses commencent.
Et vous commencez l'aventure?
Effectivement. Nous avons créé ONAV Production et nous avons réalisé des films tels que L’évadé en Cavale notre tout premier court métrage, ensuite nous avons réalisé Témoin à Séduire un long métrage en VHS qui avaient pour acteurs principaux l’artiste camerounais King B dont la chanson We Are One
avait reçu quelques années plus tôt le Prix Eurovision et Lucie Memba
une jeune actrice montante. Sans le sortir officiellement du fait de
son format non professionnel nous avions mis le film dans les tiroirs
et avions réalisé Le Successeur un autre long métrage. Après
attribution d’un visa d’exploitation, le film sera diffusé au cinéma
l’Empire à Bafoussam et au cinéma le Capitole à Yaoundé. C’est pendant
cette période que je me forme à la réalisation. J’apprends dans les
livres achetés à la "librairie du poteau" et sur l’Internet qui est
naissant au Cameroun à l’époque. Je lis et je m’intéresse à tout ce qui
touche au cinéma. Nous allons même faire partie de l’Association des
cinéastes camerounais dirigée à l’époque par le réalisateur Richard
LOBE.
Votre filmographie présente une variété de productions réalisées
principalement en Côte d’Ivoire, pourquoi il y a-t-il si peu de
productions sur le Cameroun?
J’ai commencé par produire au Cameroun. Aujourd’hui 80% de mes
productions sont concentrées en Côte d’Ivoire et en Afrique de l’Ouest
parce que ces environnements me permettent de produire mais j’ai aussi
beaucoup de projets pour le Cameroun. Chaque jour qui passe, j’essaye
de voir dans quelles mesures je peux les réaliser dans les bonnes
conditions.
© Journalducameroun.com
Le réalisateur
Avec
«Class’A» la série pour jeunes, vous avez rompu avec la vielle école
qui présentait toujours l’Afrique dans un univers d’adultes, comment
l’idée vous est-elle venue?
Le concept de la série n’est pas original parce que nous avons grandi avec des séries sur les jeunes en milieu scolaire comme Beverly Hills 90210.
Donc quand le producteur m’a remis le script des premiers épisodes,
j’ai été tout de suite séduit. Avec le scénariste nous avons travaillé
sur une compilation des points forts, de ce dont la série parlerait et
nous avons sorti un script pour le pilote. C’est à partir de ce moment
que je me suis dit qu’il faut proposer un autre type d’images aux
téléspectateurs africains. J’ai donc travaillé sur le rythme, le type
de plans et les couleurs qui intéresseraient la jeunesse. Tout le monde
a aimé. Les jeunes comme les personnes âgées.
Une réussite dans l’univers francophone, qu’est ce qui selon vous
fait obstacle à ce que les producteurs camerounais ou ivoiriens
puissent produire des sitcoms de l’envergure d’une série comme
«Friends»?
Comme toujours, le refrain c’est: un problème de moyens. Aujourd’hui au
Cameroun, en Côte d’Ivoire et dans plusieurs pays africains surtout
francophones, il y a des personnes qui sont prêtes à se sacrifier comme
l’a fait Jean Hubert avec Class’A
et certains producteurs et productrices pour entreprendre et soutenir
des productions d’une certaine envergure. Mais le véritable problème,
c’est le retour sur investissement. Nos chaînes de télévisions
n’achètent pas nos programmes et certaines entreprises qui peuvent
accompagner nos diffusions préfèrent sponsoriser des séries ou
feuilletons venus d’ailleurs. Les rares fois où ils s’engagent, les
montants que l’on vous proposent ne couvrent pas les coûts de
production. Dans un contexte pareil, il est vraiment difficile pour les
producteurs d’engager des montants énormes dans une production et, ceci
a des répercussions sur la qualité de nos réalisations. Un mécanisme
bien huilé qui permettra un retour sur investissement dans la
production va automatiquement avoir des effets positifs sur la qualité
des productions.
Quelles appréciations faites-vous de la production audiovisuelle au Cameroun?
La production audiovisuelle camerounaise est très intense et très
variée. C’est la conséquence de la libéralisation de l’espace
audiovisuel qui a permis cela. Je trouve que nous n’avons pas une bonne
politique d’exportation de nos productions comme le font les Ivoiriens.
Il y a des productions camerounaises que certains de mes amis
découvrent en venant chez moi lorsque je suis branché sur l’une de nos
chaînes et ils en redemandent. Cela veut dire qu’une bonne politique
d’exportation de nos productions audiovisuelles vers l’extérieur
pourrait avoir des résultats positifs. Enfin, je trouve que la
production audiovisuelle au Cameroun n’est pas rémunérée à sa juste
valeur.
Peut-on s’attendre à vous voir intensifier vos activités au Cameroun en dehors de la série «Class’A» ou de «Regards Croisés»?
J’ai beaucoup de projets que je souhaiterais avec l’aide de Dieu,
réaliser au Cameroun. Or, pour le moment il y a des projets qui
m’amènent de temps en temps au Cameroun mais, c’est juste de manière
ponctuelle.